Alain Klockenbring portrait sur le terrain

Ce qu’il est convenu d’appeler l’art a été aussi loin que je me souvienne un accompagnateur et un interlocuteur privilégié. Les conversations se faisaient cependant sous forme de conciliabules et dans un jardin privé.
Mon enfance, ponctuée de nombreux déménagements, notamment entre l’Alsace et la Suisse, s’est déroulée pour la plus grande partie à Strasbourg. Seul ou avec mon frère, des camarades, un cousin…  je joue dans des terrains vagues, à bicyclette, sur les chemins de l’école, sous les arbres, au bord de l’eau,  la plupart du temps dans les nuages.

Mes occupations continuent pendant longtemps de suivre des chemins de traverse dans des directions très ouvertes:  Après des années de gymnase et un baccalauréat qui me destinait aux sciences de la nature, je fais du jardinage, du théâtre, de la flûte, des nettoyages, du travail à la chaîne, je m’engage chez un horticulteur, dans un internat d’éducation spécialisée, donne des cours de français à des étrangers, fais des études et obtiens une licence de lettres…

Vers la trentième année je rencontre, en Suisse, celle qui deviendra ma femme et j’entreprends en Allemagne du nord des études d’art à la « Kunststudienstätte Ottersberg ». Après quatre riches années de formation j’obtiens un diplôme d’enseignement de l’art, m’établis au pays de Vaud, me marie et deviens père de deux filles.

Les trente-trois ans d’enseignement des arts visuels à l’Ecole Steiner de Lausanne, puissante continuatrice de ma formation, sont l’occasion d’endosser quelques nouvelles responsabilités mais aussi, au sens propre comme au sens figuré, de voyager : de prendre contact avec des habitants d’univers variés, et de les faire humer des atmosphères contrastées (par exemple en explorant avec mes élèves différentes périodes artistiques en cours d’histoire de l’art ou en les guidant à travers des musées de différentes grandes villes d’Europe ou d’ailleurs.

Au fur et à mesure que j’observe des êtres et que je rencontre des paysages je me réjouis de voir mes carnets -comme des champs labourés qu’on aurait déjà ensemencés, et comme mes expériences-, non seulement enfouir des souvenirs mais aussi faire affleurer des projets et à présent je voudrais que les polyptyques à l’huile, qui sont des continuations ou des métamorphoses de quelques-unes des aquarelles que les carnets renferment, puissent affiner, développer en couleur et répandre le parfum typique que je m’étais proposé de mimer.